vendredi, octobre 13, 2006

25 - Agendas incompatibles

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L'issue de cette soirée de rêve aurait dû m'inciter à plus de circonspection, à ne pas m'enflammer comme une jeune fille, bref, à laisser Tugdual me rappeler le premier.

L'indiscrète insistance de Coralie pour en connaître les menus détails, associée aux cris de joie de Séverine à peine informée et déjà arrivée à mon appartement en quatrième vitesse le lundi soir (alors que Simon et elle habitaient désormais à Paris), tout faisait signe pour me démontrer que ma relation avec Tugdual prenait un tour vraiment sérieux. Ma copine et ma cousine semblaient s'être donné le mot pour me donner les précieux conseils d'usage, en particulier le genre « si tu veux faire prendre la mayonnaise, tiens-le à distance ».

Prendre des conseils sentimentaux auprès d'elles était pure fantaisie, je le savais.


Tant et si bien que, dès que Séverine fut couchée dans le canapé du salon, je m'enfermai dans ma chambre pour allumer mon portable et tchater avec l'objet de tout ce remue-ménage.


Il était en ligne sur MSN, comme souvent d'ailleurs, et je l'abordai précipitamment, en l'abreuvant de compliments homériques, de gratifications délirantes et d'un petit bonsoir timide complètement en discordance.


Il me répondit sur le mode humoristique, puis bientôt nous devînmes tendres, enfin nous restâmes silencieux, en proie aux échos des sensations de la veille.

L'on frappa à ma porte et, sans attendre mon accord, Séverine pénétra dans ma chambre d'un air soupçonneux qui ne manqua pas de me faire venir le rouge aux joues.

Je fermai la fenêtre de conversation, m'absorbai dans la lecture d'un blogzine parfaitement inintéressant pour donner le change, mais ma cousine, qui se jeta tout d'abord sur mon téléphone portable pour l'éteindre et le confisquer, s'intéressa ensuite à mon écran.


Qui se mit à clignoter, pour la bonne raison que Tugdual venait de m'envoyer un nouveau message.


Elle ne connaissait pas le système, s'y intéressa tout d'abord, s'assura que c'était lui qui m'avait d'abord sollicitée, ce que je m'empressai un peu trop vite de confirmer, puis me somma d'écourter.


Séverine resta une semaine entière à la maison, surveillant constamment mon attitude envers Tugdual - le pauvre se demandait bien sur quelle maison de folles il était tombé - puis comme Coralie revenait travailler et que Simon donnait des signes d'impatience, elle repartit, laissant mon petit chez moi éminemment propre et tout bien rangé. Je n'en crus pas mes yeux, compte tenu de la façon dont elle l'avait dévasté la dernière fois.


Séverine ne revint pas par la suite. Mais comme l'exposition approchait, Coralie prit le relais, d'une autre manière, pour me pourrir la vie.

Je ne vis Tugdual que trois ou quatre fois, en coup de vent, dans les trois mois qui suivirent.


Chacun de ces rendez-vous étaient bénis, tendres, suaves, mais souvent précipités hélas, et cela me rendait plus triste et frustrée à chaque fois.

Qu'il habitât Saint Malo n'arrangeait rien, mais eût-il vécu à Rennes, nous ne nous serions pas vus davantage, pris chacun par nos activités respectives.


Et lorsque l'exposition arriva, cela faisait quatre semaines qu'il me demandait un rendez-vous, que je repoussais piteusement sans cesse.

Un beau soir, alors que Coralie et moi mettions une dernière main à l'une de nos créations, je vis Tugdual franchir la porte de l'atelier, le visage fermé. Je me jetai sans pudeur à son cou, mais il répondit à peine à mes baisers, et je sentis mon petit coeur d'artichaut s'effeuiller de peine.


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