jeudi, décembre 29, 2005

16 - Troubles

Lire le préambule - 1 - 2 - 3 - 4 - 5 - 6 - 7 - 8 - 9 - 10 - 11 - 12 - 13 - 14 - 15

J’avais beau avoir pris une douche glacée, je venais quand même de fantasmer de longues minutes sous les mains et sur le dos d’un demi-dieu.

Lorsque la langue de ce généreux et néanmoins très peu amical jeune homme m’envahit, le malentendu me paraissait moins savoureux qu’ennuyeux, mais mes membres ne suivaient pas mes pensées et je fondis littéralement.

Au diable mes actes, au diable si Dimitri me trouvait peu constante (et ses amis avec), je ne raisonnais plus. Tugdual s’emboîtait dans ma bouche et son corps dressé contre le mien répondait sans vergogne aucune aux lianes que tressait peu à peu le désir sous ma peau.


Je ne me souviens qu’avec une totale mauvaise foi de ce qui s’ensuivit.
J’ai raconté à ma cousine, dont les oreilles avait tinté d’une rumeur persistante, que nous avions glissé. Les deux pieds enfoncés dans le sable, oui. Et sous les yeux de co-plagistes ahuris et gênés que je dépeignis comme hilares et peu charitables.
Le geste d’apaisement de Tugdual, à qui la situation n’avait pas échappé, à mon grand dépit même s’il me coûte de le reconnaître, eut le don de m’irriter brutalement.
Je n’avais pas l’intention de lui sauter au cou, et alors que je tombais littéralement dans ses bras, je pris son geste pour un rejet pur et simple et me vexai.

Il dut s’installer à quelques serviettes de moi, et je m’étendis sans plus adresser la parole à quiconque.
Je ne suis pas souvent d’humeur boudeuse. Mais dans ce flot d’émotions contradictoires et violentes qui m’avait assaillie, je n’avais d’autre recours que le mutisme.

Sans me poser de question, Dimitri s’était déplacé vers lui et devisait tranquillement avec son ami qu’un parasol immense protégeait du soleil.

J’entendais par bribes leur conversation posée, comparant les mérites de tel ou tel applicatif informatique, et plus le ton était léger et souriant, plus mon irritation grandissait.

Mon désarroi provenait moins de la sagesse un peu fraîche de Tugdual, que de mon auto-déception quant à ma capacité à me laisser émouvoir simultanément par deux hommes, pour la deuxième fois.

Maintenant, la situation était la suivante : j’étais attirée par un race n°1 qui ne semblait pas indifférent, et bouleversée par un race n°2 qui me tenait prudemment à distance.
Mon dogme fumeux sur les deux races venait de voler en éclats.

Le premier réflexe défensif passé, on essaie de reprendre confiance en soi. La majorité des personnes normales et tant soit peu saines tâchent de faire le tri, testent leurs émotions avec l’un, avec l’autre. Et essaient de choisir pour le mieux. Certaines personnes renoncent à choisir et laissent les autres le faire à leur place.

Mes relents d’éducation puissamment judéo-chrétienne ne m’avaient guère prédisposée à tout cela.
Pour moi, la vie, comme les sentiments, était une voie tracée droite, où qu’elle aboutisse, et si on voulait changer de direction, il fallait prendre le virage et continuer sur la voie, tout aussi droite.
De sorte qu’en dépit de ma vie dissolue, je ne m’étais jamais vraiment dispersée. Mes aventures se succédaient, mais se ressemblaient et ne se croisaient jamais.

Séverine disait de moi que j’étais une fille entière. En l’occurrence, ce n’était plus le cas. Et mon impuissance à clarifier mes pensées dans l’immédiat me mettait singulièrement à vif.

Lire la suite