mardi, octobre 04, 2005

3 - Deuxième danse

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Le mariage de Paul et Séverine fut un peu plus simple que le premier. Mais il fallut quand même danser avec le garçon d'honneur, et compte tenu de ma précédente expérience, j'étais prudente. Les circonstances, plus libres, me permirent de choisir un slow. Brice était très grand. Un collègue de basket de Paul, en fait. Le slow me faisait déjà ressentir ma petite taille, qu'eût-ce été avec une rumba ou une valse ?La musique diffusée ressemblait à du blues, et j'étais prête à me laisser aller, lorsque je sentis ses mains descendre plus que de raison sur mes hanches. Il ne s'arrêta pas là. Et pour finir, je fus bien obligée de le repousser brutalement. Ce faisant, le talon aiguille de ma chaussure droite s'entrava dans ma jupe longue, je titubai, puis finis par tomber à la renverse, le dos dans la salade piémontaise, les bras sur la présentation de charcuterie d'un côté, le pain de l'autre... Un vrai film de Buster Keaton.

Mon sens de l'humour reprit vite le dessus, de sorte que secouée de rires de la tête aux pieds je fus incapable de me relever seule, et il finit par m'aider, tout penaud. Alors que toute l'assemblée s'inquiétait de ma robe et de ma coiffure, il n'y avait que ma cousine, l'âme charitable, pour partager mon hilarité... Mais elle fut bientôt rejointe par tous les autres convives. Aussi je pus m'éclipser... et constater les dégâts irréversibles causés à ma tenue de cocktail par les mayonnaises, vinaigrettes et autres moutardes.

Ce deuxième épisode de fou-rire n'était pas désagréable... quoiqu'un peu coûteux, ma tenue étant définitivement abîmée. Mais lorsque ma cousine m'apprit qu'elle avait jugé bon de suggérer à Brice que je serais disponible et favorable à l'aventure, j'en conçus une certaine rancœur. Non seulement elle ne cessait pas, à chacune de nos entrevues pourtant rares et assez courtes, de vouloir me faire rencontrer l'âme sœur, mais en plus elle devançait mes désirs...

Je lui reprochai de ne pas m'avoir demandé mon avis avant de me jeter dans les bras de cet escogriffe fort prévenant au demeurant, mais un peu trop gauche pour faire un bon amant (et c'était bien la seule chose qui m'intéressait alors). Je lui déclarai, non sans une certaine mauvaise foi, que j'étais prise et très éprise, histoire de couper l'herbe sous les pieds de ses défenses.

Mal m'en prit : j'aurais dû insister pour qu'il vienne au mariage, il fallait à tout prix que je le lui présente, est-ce que Paul le connaissait... elle m'assaillit littéralement de questions, portant sa curiosité à la limite du gênant. Je fus bien obligée, quelques jours plus tard, de lui avouer le stratagème. Mais la quantité de détails qu'elle me demandait de lui révéler me fit prendre conscience que mes relations avec les hommes, pour satisfaisantes qu'elles fussent, n'en étaient pas moins vides et superficielles.

Ce fut la première fois que je ressentis une telle solitude.

Je pris le parti de m'en distraire éperdument, en me lançant tête la première dans une nouvelle aventure, une de celles qui me conduisit à un amour impossible avec un homme marié.Pour finir, je pris la résolution de ne plus danser avec les hommes que ma cousine me présenterait, à ses mariages ou dans d'autres circonstances.
Décision bien présomptueuse.

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