lundi, décembre 05, 2005

13 - L'idylle d'Adrien

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Tandis que l’eau coulait sur mon torse, je renversai ma tête en arrière à la façon d’une publicité pour gel douche de nymphomane, et essayai de me redonner une contenance. Je sentais bien que tous mes sens aiguisés me feraient partir en chasse… Les caprices de la plomberie me firent signe : l’eau glacée que je reçus soudain me fit suffoquer.

Je me frottai énergiquement, me redressai et filai sans demander mon reste.
Alors que j’avais laissé ma bouteille thermos et le flacon de crème solaire sous le parasol, je m’aperçus qu’il allait être périlleux de les récupérer… Ma serviette était désormais bloquée par une sorte de jeu de l’oie version géant du sable dessiné par Adrien, le grand blond, et qu’ils étaient en train de parfaire. Ils n’avaient pas dû songer à mon retour parmi eux. Enjamber les corps des joueurs risquait d’être un moment de pure grâce…
Je ralentissais, je me détendais, je calculais mes pas… C’est alors que Dimitri se redressa et attrapa l’un et l’autre de mes accessoires.
Je n’avais plus d’échappatoire. Il fallait que je l’enjambe lui. L’eau coulait encore sur moi.
« Attention, douche écossaise.»
Il s’était relevé. Je passai sur sa serviette, glissai sur la mienne. Je soupirai. Sa galanterie, ou était-ce sa crainte de l’eau froide, me sauvait la mise.

Je me séchai rapidement avec la petite serviette éponge qui me servait d’oreiller.
Il me servit un gobelet d’eau fraîche.
Ce fut le moment que choisit Annabelle, la rousse à peau blanche, pour geindre.
« J’aurais dû acheter une canette… Dim, tu veux pas aller m’en chercher ? puisque tu es debout… »
La belle était jalouse des attentions qu’il me prodiguait. Quand mon ego est flatté comme ça, je deviens insupportable.
Et le sachant, je m’empêchai in extremis de sourire, me mordant les joues jusqu’au sang. Une capricieuse… comme Séverine. Je ne sais pas du tout les manipuler, ces bestioles-là…
J’encourageai Dimitri, histoire de faire preuve de la neutralité de la bonne copine.
Mais ce fut Adrien qui s’exécuta.
Dimitri, tendrement, s’empressa de publier les bans :
« Ton chevalier servant s’en charge… »
La belle était fine mouche. Elle pinçait les lèvres. Habituée à la galanterie du jeune homme, je ne le voyais pas aussi direct. Le sarcasme dans ses billets semblait tellement une seconde nature, parfois même à un degré insoupçonnable…
A la saillie de Dimitri, le couple qui les accompagnait se mit à pouffer de rire et à commenter légèrement les aptitudes d’Adrien à donner le change sur un plateau de poissons cuits à l’huile.

Sylvie était en train de se faire oindre par son Loïc.
Et les effets de ma douche froide s’évaporèrent aussitôt.
Il y a des amoureux qui n’ont aucune considération pour les célibataires environnants. Je me détournai donc de Dimitri un instant, l’idée de ses mains me faisant subir le même sort devenant tout à fait cruelle. Pour mon propre salut, je me répétai ma dernière devise en date : libido exacerbée, c’est bibi de service. Je m’apprêtai donc à me couvrir moi-même de crème solaire.
Mais il m’avait devancée, et quelque peu agacée, je le vis déposer dans sa main une noix extraite de mon précieux flacon.
Je fus mordante. Et me fis l’effet d’une radine invétérée par la même occasion.
« Tu n’as pas de crème solaire ? »
Il releva les yeux, sa lèvre se retroussa. Malheur.
« Tu n’aurais pas le cœur de me laisser brûler à mon tour, si ? »
Je maugréai pour moi mais lui souris. Je n’allais quand même pas lui proposer de l’aide… J’en mourais d’envie. Inutile de me voiler la face.
Je lui pris le flacon des mains. Et mordis à nouveau.
« Non mais laisse m’en quand même… »
Adrien surgit avant que Loïc n’ait eu le temps de commenter de sa verve si prévisible et chaleureuse la petite chamaillerie.
Adrien était un prince charmant. Cela se voyait. Il n’y avait qu’Annabelle qui ne le voyait pas.
Il avait les mains pleines de canettes pour tout le monde, et en plus une glace à l’eau pour sa rousse.
Elle ronchonna.
Alors je pris mon ton docte et lui signalai le nombre de calories du coca, et celui de la glace.
« Tu es diététicienne ou joaillière ? » me demanda Sylvie.
Je restai interloquée. Le détail de cette menue confidence avait-il émaillé une partie de la discussion que je n’avais pas suivie ?
« Loïc commente sur mon blog sous le pseudo d’Arfan. »
Ah. De fait, il avait pu lire quelques échos concernant ma vie privée puisque, n’ayant pas de blog en propre, je m’amusais à raconter ma vie dans les commentaires de ceux des autres… Arfan était une plume assez coriace, je l’aimais bien.
Sylvie, Loïc et moi nous installâmes pour continuer à parler de la sphère internet, de ses travers, de ses excès. De ses réussites aussi.
Annabelle avait ainsi le champ libre avec Dimitri.

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