lundi, septembre 26, 2005

Préambule

Au bout du troisième divorce de ma cousine, j’aurais pu raisonnablement espérer qu’elle cesse de vouloir à tout prix me faire rencontrer le Prince charmant. Ce fameux Monsieur parfait, dont on évoquait les ardeurs lors de nos soirées pyjamas d’adolescentes nunuches.

Pour ma part, j’avais renoncé à le rencontrer bien avant l’échec de son premier mariage. Ce n’était d’ailleurs pas tant un renoncement qu’une décision non dénuée de bon sens de ne m’occuper, dorénavant, que de moi-même.Non pas que je ne m’intéressais pas aux autres, loin de là, j’étais même plutôt accro à la chaleur humaine, à celle des hommes en particulier. Simplement, ma petite tête de linotte faisait de moi un danger permanent pour mon pauvre cœur d’artichaut. Je me leurrais sans arrêt sur les intentions d’autrui.

En tout cas c’est ce qui ressortait des quelques passions aventureuses qui avaient ponctué ma jeune vie jusqu’à ce que j’eus pris cette décision rédemptrice : demeurer célibataire.

Plutôt que les sentiments des autres, c’était surtout les miens qui me trompaient, à l’époque. Je rêvais debout pendant quelques temps, puis le garçon bien patient (il fallait l’être !), cible de mes yeux de merlan frit, m’éconduisait invariablement avec autant de délicatesse que possible. Je devenais muette, vexée comme un pou, mais assez honnête pour me dire que j'avais cru à un mirage; au demeurant je finissais toujours par le trouver ennuyeux comme la pluie. Et l'instant d'après je tombais amoureuse d'un autre. Ces garçons, toujours le même genre, formaient ce que j'appelais la race n°1.

Pour compléter le tableau, je massacrais les egos fragiles des petits êtres délicats du sexe faible qui succombaient à mon charme involontaire. Qui n'étaient d'ailleurs jamais les mêmes que ceux qui me plaisaient à moi : ils appartenaient à la race n°2.

Cette facétieuse ironie du destin faisait mon désespoir.

Un jour, je décidai de passer à l'attaque et de séduire un "race n°1". Je jetai mon dévolu sur un garçon ouvert d'esprit, de ceux qui ne s'arrêtaient pas à ma feinte indifférence... du moins son amicale sollicitude me l'avait fait accroire.D’abord, le décider à me demander de sortir avec lui fut une manœuvre de longue haleine. Il me fallait tourner autour de lui, lui tourner la tête sans lui faire comprendre que je mettais mes atouts en valeur pour lui plaire… bref, le frôler sans qu’il s’en aperçoive, tout en m’apercevant moi.Ce petit jeu eut raison de mes nerfs au bout de deux mois… je finis par le provoquer frontalement. Grave erreur. A son air narquois et sa façon de me dire oui du bout des lèvres, j’aurais dû me douter qu'il avait deviné mon objectif. Ma vanité m'empêchait de m'avouer à moi-même le peu de mystère de ma personnalité...Ce fut d’abord un film au cinéma, puis une soirée chez un de ses copains, et enfin il avait à tout prix voulu me traîner voir je ne sais quel stupide match de handball… un match de filles, en plus.

Au cours des deux premières sorties, je m'abandonnai littéralement à des sensations toutes nouvelles pour moi. Je ne me reconnaissais pas. Il mettait, je dois dire, un tel art dans chacun de ses gestes, qu'il me transportait littéralement. Je m'imaginai que ses attentions signifiaient assez son ardeur et m'enflammai. Deuxième fatale erreur.

Au cours du match de hand (Dieu que j’ai horreur du sport !), pendant lequel je tenais bêtement sous le boisseau mes commentaires acerbes sur la remarquable féminité du troupeau suant et beuglant sur le terrain, il m’a plaquée par un sec « Je préfère qu’on arrête de se voir », qu’a souligné, avec un à-propos déconcertant, un coup de sifflet véhément de l'arbitre.

Mon orgueil m’ayant défendu de demander pourquoi, et de verser une larme, je n’ai pas su quelle mouche l’avait piqué… Je restai prostrée et inconsolable plusieurs semaines, avachie dans mon canapé.

Après cinq ou six autres dénouements malheureux, alternant la douche froide et l'ennui, je prenais des allures de zombie. Mon corps criait grâce des désastreux épisodes de boulimie ou d'anorexie que je lui faisais subir.Pour finir, je devais choisir : soit épouser un gentil garçon qui m'aimait et qui ferait tout pour me donner ce dont j'avais besoin, de ceux de la race n°2, soit continuer à baver ad vitam pour des hommes inaccessibles, beaux comme des Dieux Grecs, de la race n°1.

Je refusais d'être une désabusée de l'amour, une"mal-baisée", qui tourne le dos à sa frustration et fait des compromis pour s'assurer une certaine sécurité sociale et matérielle. Je ne me sentais pas non plus de goût pour la vocation carmélite, genre martyre de l'amour, trop caricaturale.

Mais bon, j'étais largement consciente de ma fâcheuse propension à la rêverie et de mon manque total de discernement dans mes choix affectifs.

Alors j'entrepris une cure de désintoxication sentimentale, j’évacuai toute influence amoureuse de ma vie. Ma priorité n'était plus l'amour : c'était le sexe.

C'est alors, seulement alors, que je me suis épanouie. J'étais redevenue toute sereine, mon esprit se satisfaisait merveilleusement de savoir enfin où il allait, j'organisais ma vie pour n'avoir pas un instant de rêvasserie... Bref, je ne souffrais guère d’autre chose que du temps qu’il pouvait faire.

La solitude ? J’ai toujours eu des tas d’amis, et comme je ne suis pas sectaire, même des amis mariés avec des enfants… d’ailleurs c’est plus moi qui les ennuyais avec ma mine ravie de célibataire endurcie. Quand eux avaient les yeux en forme de valise et grinçaient des dents l’un sur l’autre pendant toute la soirée, je n’avais, moi, de compte à rendre qu’à moi-même. Situation fort confortable.

Ma liberté me rendait largement désirable aux yeux de bien des hommes de ma génération ou plus jeunes. Ce qui me laissait la possibilité de choisir mes prises de guerre. Je ne séduisais que les hommes célibataires, sans attaches et tout le temps en partance pour des destinations lointaines ou des études à l'autre bout de la France. En effet, nous partagions un objectif : nous amuser sans conséquence. Nous nous en donnions à cœur joie, et pour finir nous restions bons amis. Que demander de plus ?L'amour ? Je suis bien tombée amoureuse une ou deux fois. Les critères de mes choix étaient certes scientifiques, mes proies n'en demeuraient pas moins humaines. Moi aussi d'ailleurs... Et puis un cœur d’artichaut reste un cœur d’artichaut… Mais, par chance, ils étaient mariés. De sorte que la souffrance ressentie par mon ego était largement compensée par le sentiment d'être loyale. De fait, je me vante de n'avoir jamais fait rompre un ménage. J'ai quitté mes rares amants mariés (les autres aussi, au demeurant) bien avant qu'ils ne tombent amoureux de moi. Un homme met toujours bien moins de temps qu'une femme à se sentir attiré physiquement, et bien plus de temps à tomber amoureux. Nos pudeurs sont sexuées. Enfin, en général.


7 Comments:

Blogger largentula said...

la suite... la suite... ah ben j'ai qu'à la lire... suis bete!!!

lundi, septembre 26, 2005 10:12:00 PM  
Blogger Ardente said...

@Largy... je ne dis rien, j'écris.

mardi, septembre 27, 2005 11:21:00 AM  
Anonymous Anonyme said...

Bon je suis de quelle race moi pour le coup?

Ben quoi t'aimes pas le Handball? C'est bien la 1e fois que nous sommes en désaccord. Je te l'accorde les handballeuses ne sont pas forcément toutes grâcieuses... ;)

mercredi, septembre 28, 2005 12:27:00 AM  
Blogger Ardente said...

Si, j'aime le handball, mais à haut niveau. Pas pour y jouer ou pour les interclasses du jeudi.
Et toi, de quelle race tu es ? mmhhh... fais voir tes yeux ?

mercredi, septembre 28, 2005 12:34:00 AM  
Anonymous Anonyme said...

bah j'ai me bien moi!!! je vais aller lire la suite ! ! !

mercredi, octobre 05, 2005 12:15:00 AM  
Anonymous Anonyme said...

J'ai lu pire, c'est pas trop mal, J'vais lire la suite et te r'écris

vendredi, janvier 19, 2007 4:00:00 PM  
Anonymous Anonyme said...

Ah, mais il y a une petite incohérence là : « Je ne séduisais que les hommes célibataires ». Et puis, un peu plus loin : « Mais, par chance, ils étaient mariés ». Dois-je en déduire que ce sont les hommes mariés qui vous ont séduite ?

mardi, décembre 04, 2007 7:34:00 PM  

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