mercredi, septembre 28, 2005

1 - Séverine

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Lorsque mon adorée cousine Séverine s’est mariée la première fois, je n’ai pas fait grands cas de ses manœuvres pour me rapprocher du frère de sa moitié, Jacques… Il n’était pas dupe non plus, mais comme je faisais l’innocente, il essayait d’en profiter honteusement. Nous flirtâmes un peu. Jusqu’à ce qu’il m’invite à danser au cours de la réception. Il est des hommes qui ont une incommensurable science du ridicule... J’étais tellement secouée par les rires que j’essayais courageusement d’étouffer, que j’ai fini par rester plantée au beau milieu de la piste… je venais de me faire pipi dessus, et je n’arrêtais pourtant pas de rire, à en pleurer ! Beau spectacle qu’une femme pliée en deux, le visage déformé avec le maquillage en train de couler, en fourreau moulant, juchée sur des talons aiguilles et surplombant une flaque suspecte au milieu d’un parquet ciré, sous les lustres en cristal… Le narcissisme est un refuge très relatif, après de tels épisodes…

Séverine s’est fâchée avec son premier mari dès leur retour de lune de miel.

Lors de nos soirées de bavardage insensé et romantique à souhait, elle m’était apparue sous un autre jour que celui sous lequel je la connaissais. La fillette très vive, assez sportive d'ailleurs, extrêmement volontaire et parfois même capricieuse, disparaissait petit à petit derrière l'adolescente éthérée qui n’aspirait qu’à la tendresse et à la paix dans l’affection d’un gentil garçon dévoué et protecteur.

A la lumière de ses mariages naufragés, le paradoxe flagrant de sa personnalité, à la fois farouchement affirmée et profondément dépendante de l'affection des autres, m’apparaît aujourd’hui une vaste illusion. Elle aspirait à la paix non avec un autre, mais avec elle-même. Et elle aura mis plus de quinze ans à la trouver. Mieux vaut tard que jamais.

Personnellement, je ne suis pas la mieux placée pour donner des conseils. J’ai eu beau choisir mon mode de vie très tôt, chérir ma liberté et m'en croire heureuse, je ne m’en étais pas moins trompée sur moi-même et sur mon autosuffisance. Nul ne sait vraiment qui il est… Ceux qui vous prétendent le contraire se mentent honteusement à eux-mêmes, et le plus grave, c’est que souvent ils mentent aux autres aussi.

C’est ainsi que Joël, le premier heureux élu de Séverine, s’est aperçu du vrai visage de ma cousine, le jour de leur arrivée à l’hôtel, à l’Ile Maurice. La moindre contrariété, obscurcissait très vite les traits de la chère enfant. Cette contrariété-ci était fort déplaisante, il est vrai : la chambre qui leur était réservée avait été relouée, et l'hôtel était complet. Ce qui eut le don de la mettre en rage en une demie seconde. Joël savait qu’elle avait du tempérament, mais il se trouvait là confronté à une véritable furie. Elle avait toujours mal supporté les frustrations. Son père, mon cher oncle, se sentant coupable de la laisser si souvent seule, lui avait toujours passé tous ses caprices. Inutile de dire que son caractère s’était forgé à cette aune.

De mauvaise humeur pendant tout le séjour, Séverine avait tant et si bien torturé son jeune époux, qu’il lui avait tourné le dos chaque soir. Sensible malgré tout au symbole de la lune de miel, elle avait ressenti dans cette solitude un immense chagrin, le sentiment d’être incomprise… Et de fait, elle l’était.Leur divorce était prononcé trois mois plus tard.

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3 Comments:

Anonymous Anonyme said...

décidément j'ai beaucoup a apprendre sur le style d'ecriture car c'est vrai que le tien j'adore!!!!!

mercredi, octobre 05, 2005 11:09:00 PM  
Blogger Ardente said...

Merci, venant de toi je prends ça pour un sublime compliment !!!!

jeudi, octobre 06, 2005 11:52:00 AM  
Anonymous Anonyme said...

C’est bien écrit. Je crois que j’aurais introduit le prénom du premier mari de Séverine, Joël, un peu plus tôt dans le récit, mais c’est un détail.

mardi, décembre 04, 2007 7:42:00 PM  

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