vendredi, janvier 27, 2006

18 - Dérapage

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L’hôte des lieux était occupé à rincer les verres dans sa kitchenette. Les cheveux en bataille, le t-shirt froissé, les yeux bouffis, je le rejoignis pour le remercier. Alors que j’allais appuyer mes lèvres sur sa joue, il se retourna.
Et me retourna.

Le lourd sommeil qui m’avait prise m’avait embrouillé les esprits au point que je ne savais plus au juste ce qui me confondait auparavant.

Je savais seulement que le regard qui pesait sur moi alors que je tentais de me rétablir sur mes pieds était profondément émouvant et attachant.

Tugdual me fit face, m’enlaça d’un bras ferme et doux à la fois. Son attention ne faisait pas de doute. Il était présent, il était même très proche de moi.

Tandis qu’il me câlinait, mon cerveau fonctionnait à toute allure.
Je m’écartai de lui.
Mon manque de tact est bien le plus connu de mes défauts, mais il était si gentil, que je cherchai désespérément le moyen d’échapper à cette inévitable catastrophe qu’annonçaient les mots grésillant sur le bout de ma langue.
Mes yeux en dirent sans doute plus long que mes lèvres closes, et je vis son doux visage s’assombrir. Se fermer. Se glacer.

Il était inutile de parler, cela n’aurait fait qu’aggraver les choses.

Je lui écrivis une lettre quelques jours plus tard. Je m’emberlificotai dans des explications brouillonnes. Je ne voulais pas le blesser, mais simplement qu’il comprenne que j’étais trop confuse pour vouloir l’induire en erreur sur mes intentions.
Contre toute attente, il me répondit, brièvement, espérant que nos relations ne souffriraient pas de ce fâcheux épisode ambigu, et souhaitait « prolonger ces contacts amicaux avec une fille drôle et sympa ».

Je ne sus trop ce qui me remua le plus : son apparent détachement, ou ma paradoxale contrariété que nos relations s’en tinssent à ce qu’elles avaient été jusque là.

Mais la raison et le travail eurent tôt fait de prendre le dessus et de me faire oublier que ma vie sentimentale était singulièrement vide.

Je me lançai à corps perdu dans un projet d'association avec une orfèvre de Nantes, de sorte que je ne songeais à Tugdual qu'aux rares instants où j'ouvrais ma messagerie. J'attendais en vain un signe de lui. Et ne voulais pas me l'avouer.

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