lundi, novembre 21, 2005

11 - La plage

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J’entamai une longue série d’insomnies, qui me fragilisèrent, de sorte que je contractai une angine carabinée qui me cloua au lit une partie du mois de juillet.

En ce week-end de début août, j’avais rétabli un peu la situation, au moins étais-je capable de parler. Je ne prenais pas grand risque en allant sur la côte par ce grand beau temps.
Alors je décidai de profiter enfin du soleil et de la mer.
Je pris ma voiture avec un peu d’appréhension. La dernière de mes courses s’était soldée par un accident, dû à un énergumène agité du bocal qui avait décidé de prendre le volant sans regarder la route.
Souvent la vie vous envoie des signaux, des alertes un peu brutales, comme ça. Vous le savez, vous n’êtes qu’en sursis. Il vous reste à vivre, un peu, peut-être juste ce jour-ci.
Au moins qu’il soit vécu à votre rythme.

La plage de Dinan, tout près de Saint Malo, a ceci de plaisant qu’elle est abritée et bordée d’une jetée construite. Ce n’est pas très calme, c’est très couru et plutôt chic, mais je n’avais pas résisté à la commodité de la situation. La route, assez courte depuis Rennes, se faisait plaisamment, à 9heures du matin. Et puis je n’avais pas envie de me compliquer. Parfois, la société de consommation (vite fait, vite prêt…) a du bon.
Je garai paisiblement ma Mini sur une place encore libre. A 10 heures du matin, même au mois d’août, on peut encore en trouver. Les vacanciers avalent leurs croissants, font leur marché, baillent aux corneilles dans les résidences bondées…

Sur la plage je trouvais quelques joggeurs, et des familles avec leur pique-nique, décidées à ne pas manquer une précieuse minute de soleil. Quelques infirmières, sans leurs blouses blanches, s’étaient installées sur les serviettes près du mur de la promenade, revenant d’un bain de mer destiné à leur faire oublier les effluves éthérés de l’hôpital et la pâleur des néons des blocs opératoires.
J’avais appris à reconnaître les différents usagers des plages des années auparavant, au cours de séances édifiantes d’anthropologie balnéaire qui donnaient un aperçu assez exotique de la société civile française (et parfois anglaise).

J’étalai ma propre serviette près des infirmières, qui partirent peu après, ouvris et plantai mon parasol puis me dévêtis.
Je profite toujours avec délectation de ces moments d’égoïsme pur, où l’on s’apprête, où l’on sort de son sac à malice son petit butin pour enfin en jouir. Sur la plage, c’est un plaisir double car exhibitionniste.
Mes efforts pour donner à mon corps une certaine fermeté et un galbe plus maîtrisé avaient donné un résultat certain. Sans illusion sur ma cellulite, et mes bourrelets persistants, j’étais néanmoins globalement satisfaite. Je vécus donc un moment de pure volupté en m’enduisant de crème solaire.
Puis j’allai tâter l’eau du bout de l’orteil avant que les grappes d’enfants de l’après midi n’aient tout à fait pollué la baie de leurs pipis et de leurs cacas intempestifs.
Mmmh… elle était toute chaude. Je décidai d’y pénétrer plus avant, et finis par nager une longue heure, allant jusqu’au bout de la jetée, revenant, repartant…
Puis je me résolus à revenir m’étendre après une douche à l’eau claire. Les plages civilisées ont décidément du bon…
Le soleil m’aida à sécher, et mon livre à passer le temps jusqu’à l’heure du déjeuner.

Les livres de plage, il y a une vraie technique pour les choisir.
Inutile de s’atteler au Pendule de Foucault ou d’espérer arriver à bout de Guerre et Paix à Palavas les Flots. Vous avez beau être doté d’une exceptionnelle cérébralité, rien à faire, vous serez tout le temps dérangé. Les enfants qui courent sur la plage sont turbulents, insouciants et égoïstes par nature.
Le sable vous vole dessus à chaque cavalcade, le ballon vient saluer votre arrière-train, les cris et les pleurs vous empêchent de vous abstraire… donc il vaut mieux renoncer à autre chose qu’à un livre de poche made in Hollywood ou à un roman régional quelconque.
Le jour où j’avais admis cela, j’avais gagné en sérénité.
Les mots fléchés me tiennent aussi très bien compagnie, notamment quand c’est l’heure de la baignade familiale. Invariablement située entre 14h et 16h30. Comme tout exercice mental, les mots fléchés ont le don de vous faire fuir vos cogitations malsaines et morbides pour espérer y trouver un jour une issue. Et tant qu’à tourner en rond, autant aboutir à un résultat partiel. Une grille achevée, c’est un petit progrès.

Une fois que j’avais eu fait le tour de ce qu’il y avait à faire à la plage le matin, je me mis en quête de mon déjeuner. J’ai horreur des glacières, aussi je n’emportais jamais de sandwich avec moi. Et puis, c’eût été me priver d’un autre moment jouissif. Mes déjeuners, où que je sois, sont toujours un rituel. Une sorte de barrière mentale entre la tranquillité du matin, et l’activité trépidante de l’après-midi.
C’est quelque chose qui ne se produit pas toujours que dans l’instant, parfois le plaisir remonte à sa préparation, voire sa préméditation. Tout au plus quinze jours, sinon c’est de la torture mentale.
A la plage, j’ai pour principe (encore un… Je suis une femme à principes), de manger quand j’ai faim, ce dont j’ai envie. Carpe Diem version lunettes de soleil.
J’échappe assez bien aux cornets de frites ; les échoppes qui les vendent étant généralement signalées par des odeurs nauséabondes d’huile restée inchangée après le quinzième bain. Les tenanciers ne sont d’ailleurs ni des philanthropes, ni de bons commerçants. Le consommateur de base n’est pas non plus un consommateur avisé, donc au total ça fait la moyenne, et la confortable marge bénéficiaire des crapules. Et je ne me sens pas la générosité d’offrir une joie supplémentaire à cette race-là.
Je me concentrai donc sur l’ingestion de mon sandwich crudités-crevettes de la boulangerie du centre (une demie heure aller-retour en tongues) et me délectai d’une canette de Schweppes toute fraîche qui venait compléter ma thermos d’eau.
Un peu de lecture saine – Elle dernier numéro, pages culturelles pour tromper l’ennemi – et mon estomac exigea une petite sieste, ce que je lui accordai volontiers.
Jusque là, ma journée se déroulait sans fantaisie, dans le calme et la mollesse.


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3 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Un parasol à Dinan ? Mythomane, va.
(La plage du Sillon. Ou rien)

mardi, novembre 22, 2005 11:59:00 PM  
Blogger Ardente said...

Parfaitement ! un parasol ! (ok c'est moyennement crédible, mais bon...)
Si tu dévoiles le reste de mon roman, alors...

mercredi, novembre 23, 2005 9:48:00 AM  
Anonymous Anonyme said...

irruption incongrue, sans prendre le temps de te lire, pardonne-moi, pour te remercier pour le lien, il est beau mon totoro sur l'azur de ton blog, sur le pourpre de l'autre.
et puis j'y pense, ce titre de post ne me convient pas si mal ;)
je repasse

vendredi, novembre 25, 2005 2:28:00 AM  

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